Via le fonds Green.er, Rubbergreen reconditionne le caoutchouc pour lui rendre sa souplesse.

Le procédé encore expérimental ouvre de nouvelles applications pour 10.000 tonnes de matériaux recyclés.

Le caoutchouc est omniprésent dans notre vie quotidienne. La Belgique en consomme par loin de 80.000 tonnes chaque année rien qu’en pneus. Une masse heureusement recyclée à près de 96 % via différentes filières de valorisation, grâce notamment à l’ASBL Recytyre. Via son fonds Green.er, celle-ci soutient ainsi la société Rubbergreen dans sa recherche d’un caoutchouc recyclé plus souple et résistant.

Depuis une dizaine d’années, Rubbergreen travaille sur la collecte et la valorisation des déchets de caoutchouc pour différentes applications. Sa localisation sur le zoning de Frameries n’est pas innocente : elle est voisine de l’une des principales usines de Bridgestone, spécialisée dans la production et le rechapage de pneus d’avions. “Nous en récupérons tous les déchets, avec l’avantage que ce type de pneus utilise un caoutchouc très pur au contraire des pneus de voiture de tourisme”, note Olivier Prud’homme, directeur général de Rubbergreen.

L’entreprise boraine traite près de 2.500 tonnes de déchets de caoutchouc par an pour les reconditionner par compression et en faire des tapis d’isolation acoustique et vibratoire dans le secteur ferroviaire ou des supports sur toitures plates par exemple. “Ce sont des produits à haute valeur ajoutée, mais qui présentent peu de qualité de souplesse et de résistance à la traction”, regrette Prud’homme.

Une fois traité par vulcanisation (procédé chimique d’injection de soufre), le caoutchouc acquiert sa forme et sa résistance. Mais le procédé est censé être irréversible. En d’autres termes, il est impossible de le refondre pour être irréversible. En d’autres termes, il est impossible de le refondre pour lui donner une autre forme, comme on pourrait le faire avec des polymères.

En collaboration avec l’université de Twente, aux Pays-Bas, Rubbergreen travaille sur la mise au point d’un procédé de “dévulcanisation”, pour retrouver autant que possible les propriétés du caoutchouc après recyclage. “A l’aide d’un solvant, on cherche à cisailler les molécules de soufre pour pouvoir les recomposer une nouvelle fois. Le procédé ne permet pas de ne viser que le souffre, d’où une dégradation de près de 40 % des propriétés de la matière première”, précise Prud’homme. Mais au final, le matériau recyclé retrouve une traction de 14 pour 1 au matériaux comprimé en tapis et 24 pour le caoutchouc naturel. Une sérieuse avancée.

Bien qu’au stage expérimental, le processus ouvre déjà de très larges applications. Rubbergreen travaille ainsi sur des boudins souples qui font la jonction entre les métros et les quais pour la Stib. “Cela ouvre aussi des possibilités pour circulariser la production, en réinjectant ce produit recyclé dans la fabrication de pneus de camion neufs par exemple. On entre en concurrence avec pas mal de produis à base de polymères, pour des solutions d’étanchéité par exemple”.

Le marché est estimé à près de 10.000 tonnes par an. Rubbergreen envisage déjà la production de 500 tonnes de ce caoutchouc en 2020, pour atteindre une vitesse de croisière de 1.000 à 2.000 tonnes en 2022. L’impact sur son chiffre d’affaires sera à la hauteur. De 2,5 millions actuellement, il devrait passer à près de 3,5 millions en 2020. “A ce stade, nous n’avons pas encore atteint la taille critique, mais ces nouvelles perspectives nous en rapprochent.”

Green.er, un fonds pour financer l’innovation dans le recyclage

Depuis 2005, l’ASBL Recytyre finance la collecte et la valorisation des pneus usés via la contribution des utilisateurs. Sur la base des ressources excédentaires, Recytyre a créé le fonds Green.er, dédié à la recherche et à l’innovation, doté de 4,5 millions d’euros. L’objectif est de financer des projets innovants, locaux et circulaires dans le but de diversifier les filières de valorisation et de trouver de nouveaux débouchés au matériau recyclé. Recytyre est la seule association de recyclage à financer un tel fonds dédié à la recherche dans son domaine.

A ce stade, l’ASBL finance cinq projets, dont celui développé par Rubbergreen et l’université de Twente.

L’université d’Anvers travaille sur l’intégration de déchets de pneus dans l’asphalte. La société montoise Materia Nova étudie des solutions d’impression 3D et le Centre routier régional wallon développe des solutions d’intégration dans des bernes centrales en béton et dans des panneaux anti-bruit. Tous ces projets pourraient avoir des applications concrètes dès 2021-2022.

Article écrit par Laurent Fabri, le 29 novembre 2019.

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